Logistique durable : avec son cargo à voile, Neoline contribue à décarboner le transport maritime

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© NEOLINE / MAURIC

Début 2023, l’entreprise Neoline a lancé la construction de son premier bateau. Ce cargo à voile de 136 mètres de long pourra embarquer jusqu’à 5 300 tonnes de marchandises. Il sera équipé de la solution innovante SolidSail des Chantiers de l’Atlantique et permettra d’économiser au moins 80 % de carburant par rapport à un cargo conventionnel.

Entretien avec le Président-cofondateur, Jean Zanuttini, qui revient sur la genèse du projet et les ambitions de l’entreprise

En 2015, nous avons fait le choix d’installer l’entreprise en Pays de la Loire, car nous retrouvons ici un tissu complet dans le secteur maritime : ingénierie, architecture navale, mais aussi industrie avec notamment les Chantiers de l’Atlantique.

Jean Zanuttini, Président-cofondateur de Neoline

La construction du premier Neoliner a été l’aboutissement d’un long travail. Quelles ont été les premières étapes ?

Le projet a démarré en 2011. Après une première phase sous une forme associative, nous avons créé une société en 2015, Neoline Développement. L’impulsion est venue d’un groupe de 9 professionnels de la marine marchande qui avaient l’envie d’imaginer un navire du futur. Nous avons souhaité être très pragmatiques dans l’approche technologique, en utilisant des éléments éprouvés, mais également très ambitieux sur le plan environnemental. L’idée était de faire le lien entre les ingénieurs et les armateurs afin de créer des navires opérationnels, mais vraiment décarbonés. En 2015, nous avons fait le choix d’installer l’entreprise en Pays de la Loire, car nous retrouvons ici un tissu complet dans le secteur maritime : ingénierie, architecture navale, mais aussi industrie avec notamment les Chantiers de l’Atlantique. C’est aussi à ce moment que nous avons réalisé des investissements pour acheter des études externes, et nous avons obtenu un soutien à la R&D du conseil régional des Pays de la Loire avec une première subvention de 30 000 €, puis une avance remboursable de 120 000 € (cofinancée par la Bpifrance).

Comment avez-vous ensuite pu passer de l’état de projet à la concrétisation de la construction ?

Nous avons d’abord identifié que des entreprises des Pays de la Loire avaient besoin d’un service de fret maritime vers les États-Unis. Dès 2018, nous avons conclu un premier accord avec Renault, puis en 2020 avec Beneteau et Manitou qui exportent environ 30 % de leur production aux États-Unis et doivent actuellement passer par des ports de Manche ou de Mer du Nord. Cela nous permet de garantir un fond de cale qui est essentiel pour le lancement de la ligne. Le financement a pu être bouclé fin 2022, la construction vient de démarrer et la mise en service du bateau est prévue pour juin 2025.

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L’investissement s’élève à environ 60 millions d’euros. Comment êtes-vous parvenus à réunir cette somme ?

Le plan de financement est relativement complexe et a été basé autour de l’entreprise Neoline Armateur qui compte plusieurs actionnaires, à savoir le leader mondial CMA-CGM, Ademe Investissement, notre société Neoline Développement, Corsica Ferries et Hardy SAS (une entreprise de Saint-Pierre-et-Miquelon). Pour commencer, nous nous sommes appuyés sur le soutien des chargeurs principaux pour obtenir des prêts bancaires qui représentent 75 % du total. Il s’agit d’ailleurs du premier projet à mettre en œuvre la Garantie des Projets Stratégique de Bpifrance dans le secteur maritime. Nous avons aussi bénéficié de la nouvelle loi de suramortissement vert qui permet de récupérer une partie de l’investissement sur la propulsion décarbonée, ainsi que du rachat par EDF de certificats d’économie d’énergie. La société mère, Neoline Développement, à également ouvert son capital à des fonds d’investissement privés tels que Mer Invest, au fonds public Pays de la Loire participations, à la société ARCAD et aussi à une holding d’un millier d’investisseurs réunis grâce à la plateforme de crowdfunding Wiseed. Enfin, le soutien continu du conseil régional des Pays de la Loire a été décisif, avec une nouvelle avance remboursable d’1,3 million d’euros pour la construction du premier navire et une grande disponibilité des services qui nous ont aidés tout au long du processus.

Quel sera le trajet et les cadences de la ligne couverte par le premier Neoliner ? 

La ligne partira de Saint-Nazaire et rejoindra Baltimore (États-Unis) en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon et Halifax (Canada). Le navire sera de type roulier, afin d’offrir une grande polyvalence aux chargeurs, et pourra également embarquer jusqu’à 12 passagers. Nous pensons en effet que de plus en plus de personnes vont chercher des alternatives aux voyages en avion. Le trajet durera 8 jours jusqu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, puis 4 jours supplémentaires pour rejoindre Baltimore, soit 13 jours en tout (avec un jour d’escale) pour relier les Pays de la Loire et les États-Unis. La ponctualité est un élément clé de notre engagement auprès des chargeurs et ne sera pas une variable d’ajustement : nous pourrons ainsi être amenés à allumer le moteur pour arriver à l’heure si nécessaire, mais notre objectif est évidemment de ne pas avoir à le faire.

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Comment avez-vous prévu de tenir ces délais exigeants et de minimiser l’impact des traversées sur l’environnement ?

Premièrement en réduisant la vitesse à 11 nœuds, ce qui divise par deux le besoin d’énergie par rapport à une vitesse classique de 15 nœuds. Ensuite, le gréement innovant SolidSail inventé par les Chantiers de l’Atlantique nous permettra de maximiser l’utilisation de la force éolienne. Selon nos études, nous devrions consommer de 80 à 90 % moins de carburant qu’un cargo conventionnel grâce à cette combinaison. Le navire sera par ailleurs équipé d’un système de routage météo conçu en Pays de la Loire par D-Ice Engineering qui permettra de déterminer la meilleure route à suivre pour bénéficier des meilleurs vents tout au long de la traversée. Nous avons aussi accordé une attention particulière aux moteurs : ils fonctionneront au diesel désulfurisé, donc sans fuels lourds, et seront équipés de dispositifs de réduction catalytique sélective afin d’éliminer quasiment totalement les émissions d’oxydes d’azote et les particules fines.

Vous avez des garanties sur le chargement du bateau au départ de la France, comment procédez-vous désormais pour trouver des chargeurs sur l’ensemble du parcours ?

Nous avons déjà un accord avec Michelin pour charger des marchandises à Halifax, ainsi que des lettres d’intention avec des acteurs à Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment pour ramener des déchets qui seront traités en métropole. Nous sommes également en discussions avec d’autres entreprises américaines et canadiennes, et nous allons nous rendre sur place à partir du 23 octobre avec l’objectif d’en convaincre d’autres. Il y a un travail de sensibilisation à effectuer, notamment aux États-Unis, car nous sommes en avance dans le domaine du transport de marchandises à la voile en France, et en particulier en Pays de la Loire. Il s’agit cependant d’un secteur d’avenir, avec notamment le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre qui va entrer en service en Europe, puis la mise en place de FuelEU maritime. Ces nouvelles contraintes réglementaires vont faire bouger les lignes.

Vous avez récemment dévoilé que vous étiez en train de travailler au financement d’un deuxième navire. En quoi consiste ce projet et quelle est la feuille de route ?

Nous avons en effet l’objectif de construire rapidement un « sister ship » qui serait identique au premier et pour lequel l’investissement serait similaire, aux alentours de 60 millions d’euros. Cela permettrait de doubler la fréquence des départs, avec des voyages tous les 15 jours au lieu d’une fois par mois. Notre ambition est de mettre en service le deuxième navire un an après le premier, ce qui signifierait de lancer la construction d’ici septembre 2024. Nous avons déjà d’excellentes perspectives de chargement et de belles intentions des investisseurs du premier navire, à nous désormais de leur prouver que le projet est viable !

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